« Mines d’or et zones rebelles : le paradoxe de LuhiHi-Lomera au Sud-Kivu »

Kabare, Sud-Kivu – Le site minier de Lomera, communément appelé Luhihi, au cœur du groupement de Luhihi dans le territoire de Kabare, est devenu en quelques mois un espace de tension où se mêlent survie économique, violences armées et désastre écologique. Entre l’exploitation artisanale de l’or et l’emprise de la rébellion de l’AFC/M23, les creuseurs et habitants locaux vivent au rythme des violences, des drames humains et des promesses non tenues d’un retour à l’ordre.
Une économie de survie dans des conditions extrêmes
Redécouvert récemment, le site attire chaque jour des centaines de creuseurs venus du Sud-Kivu mais aussi de pays voisins (Rwanda, Burundi, Tanzanie). Pour beaucoup, l’or de Lomera est synonyme de survie dans un contexte marqué par la pauvreté.
« Nous travaillons ici pour nourrir nos familles. Mais la présence des rebelles complique tout, car ils imposent des taxes illégales et contrôlent l’accès aux puits », témoigne Jean-Marie, un creuseur originaire de Walungu.
Mais la ruée vers l’or a un coût : déforestation massive, pollution des eaux par le mercure, insalubrité chronique et absence d’infrastructures sanitaires. Les conséquences sont déjà visibles. Selon Médecins Sans Frontières, une flambée de choléra a touché plus de 100 personnes par semaine depuis avril 2025, provoquant une quarantaine de décès.
Violences et tensions sous contrôle rebelle
Le 27 avril 2025, la colère des creuseurs a éclaté : profitant de l’absence des rebelles, ils ont incendié un camp du M23. Mais la riposte a été sanglante : au moins quatre percepteurs de taxes illégales ont été tués, dont deux brûlés vifs.
Fin août, une nouvelle révolte a secoué le site. Des creuseurs et porteurs ont incendié à nouveau le bureau du site et s’en sont pris aux agents de sécurité, accusés de collusion avec les rebelles. « Nous avons gagné. Nous allons tuer tous les agents de sécurité qui travaillent avec eux. Nous ne voulons plus des Rwandais chez nous », a lancé un manifestant, sous couvert d’anonymat.
Ces affrontements ont fait plusieurs morts et blessés, confirmant l’extrême volatilité de la situation. Face à la montée de la violence, les autorités provinciales ont suspendu toutes les activités minières à Luhihi.
Drames humains dans un terrain instable
Au-delà des violences, les risques géologiques s’ajoutent aux menaces armées. Le 20 juillet 2025, un glissement de terrain a enseveli plusieurs puits, tuant plus d’une centaine de creuseurs. Seuls 12 survivants ont été extraits.
« Nous avons perdu nos frères sous l’œil impuissant des rebelles. Personne ne nous aide. Nous voulons le retour de notre gouvernement », déplore Ishara Ngarambe, propriétaire d’un puits.
Le gouverneur Patrick Busu bwa Ngwi Nshombo, en visite sur place, a confirmé la fermeture temporaire de 33 puits pour inspection, évoquant aussi les risques sanitaires liés à l’exploitation anarchique.
Un danger écologique et sanitaire pour le lac Kivu
Au-delà de Luhihi, c’est l’écosystème du lac Kivu qui est menacé. Le mercure et les autres rejets issus de l’orpaillage artisanal contaminent progressivement les eaux, essentielles pour des milliers de riverains. Une bombe écologique qui pourrait avoir des répercussions régionales si rien n’est fait.
Silence officiel, appels à l’action
Malgré la gravité de la situation, la réaction des autorités reste timide. Un responsable provincial des Mines a indiqué que « des mesures sont à l’étude pour assainir l’exploitation artisanale », sans plus de détails.
À l’inverse, la société civile tire la sonnette d’alarme. « Si rien n’est fait, Luhihi risque de devenir une nouvelle base de financement des groupes armés », avertit le Collectif pour la Défense des Exploitants Artisanaux du Sud-Kivu (CDEASK) dans un communiqué d’août 2025.
Un symbole des défis congolais
Lomera n’est pas un cas isolé. Il incarne les contradictions de l’est de la RDC : un sous-sol riche, une population pauvre, une exploitation minière dominée par l’informel et des groupes armés qui prospèrent grâce à l’or.
À Luhihi, l’équation est dramatique : les creuseurs cherchent à survivre, mais se retrouvent piégés entre effondrements meurtriers, épidémies et violences rebelles. Sans intervention coordonnée de l’État, de la société civile et des acteurs humanitaires, le cycle risque de se répéter, avec des conséquences toujours plus lourdes pour les vies humaines et l’environnement.
Selon vous, quelle serait la meilleure solution strategique qui preserve les vies humaines dans ce site miniers??

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