« Mines d’or et zones rebelles : le paradoxe de LuhiHi-Lomera au Sud-Kivu »

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Bureau des agents de L’AFC/M23 brûlé à lomera le 26 août dernier.


Kabare, Sud-Kivu – Le site minier de Lomera, communément appelé Luhihi, au cœur du groupement de Luhihi dans le territoire de Kabare, est devenu en quelques mois un espace de tension où se mêlent survie économique, violences armées et désastre écologique. Entre l’exploitation artisanale de l’or et l’emprise de la rébellion de l’AFC/M23, les creuseurs et habitants locaux vivent au rythme des violences, des drames humains et des promesses non tenues d’un retour à l’ordre.
Une économie de survie dans des conditions extrêmes
Redécouvert récemment, le site attire chaque jour des centaines de creuseurs venus du Sud-Kivu mais aussi de pays voisins (Rwanda, Burundi, Tanzanie). Pour beaucoup, l’or de Lomera est synonyme de survie dans un contexte marqué par la pauvreté.
« Nous travaillons ici pour nourrir nos familles. Mais la présence des rebelles complique tout, car ils imposent des taxes illégales et contrôlent l’accès aux puits », témoigne Jean-Marie, un creuseur originaire de Walungu.
Mais la ruée vers l’or a un coût : déforestation massive, pollution des eaux par le mercure, insalubrité chronique et absence d’infrastructures sanitaires. Les conséquences sont déjà visibles. Selon Médecins Sans Frontières, une flambée de choléra a touché plus de 100 personnes par semaine depuis avril 2025, provoquant une quarantaine de décès.
Violences et tensions sous contrôle rebelle
Le 27 avril 2025, la colère des creuseurs a éclaté : profitant de l’absence des rebelles, ils ont incendié un camp du M23. Mais la riposte a été sanglante : au moins quatre percepteurs de taxes illégales ont été tués, dont deux brûlés vifs.
Fin août, une nouvelle révolte a secoué le site. Des creuseurs et porteurs ont incendié à nouveau le bureau du site et s’en sont pris aux agents de sécurité, accusés de collusion avec les rebelles. « Nous avons gagné. Nous allons tuer tous les agents de sécurité qui travaillent avec eux. Nous ne voulons plus des Rwandais chez nous », a lancé un manifestant, sous couvert d’anonymat.
Ces affrontements ont fait plusieurs morts et blessés, confirmant l’extrême volatilité de la situation. Face à la montée de la violence, les autorités provinciales ont suspendu toutes les activités minières à Luhihi.
Drames humains dans un terrain instable
Au-delà des violences, les risques géologiques s’ajoutent aux menaces armées. Le 20 juillet 2025, un glissement de terrain a enseveli plusieurs puits, tuant plus d’une centaine de creuseurs. Seuls 12 survivants ont été extraits.
« Nous avons perdu nos frères sous l’œil impuissant des rebelles. Personne ne nous aide. Nous voulons le retour de notre gouvernement », déplore Ishara Ngarambe, propriétaire d’un puits.
Le gouverneur Patrick Busu bwa Ngwi Nshombo, en visite sur place, a confirmé la fermeture temporaire de 33 puits pour inspection, évoquant aussi les risques sanitaires liés à l’exploitation anarchique.
Un danger écologique et sanitaire pour le lac Kivu
Au-delà de Luhihi, c’est l’écosystème du lac Kivu qui est menacé. Le mercure et les autres rejets issus de l’orpaillage artisanal contaminent progressivement les eaux, essentielles pour des milliers de riverains. Une bombe écologique qui pourrait avoir des répercussions régionales si rien n’est fait.
Silence officiel, appels à l’action
Malgré la gravité de la situation, la réaction des autorités reste timide. Un responsable provincial des Mines a indiqué que « des mesures sont à l’étude pour assainir l’exploitation artisanale », sans plus de détails.
À l’inverse, la société civile tire la sonnette d’alarme. « Si rien n’est fait, Luhihi risque de devenir une nouvelle base de financement des groupes armés », avertit le Collectif pour la Défense des Exploitants Artisanaux du Sud-Kivu (CDEASK) dans un communiqué d’août 2025.
Un symbole des défis congolais
Lomera n’est pas un cas isolé. Il incarne les contradictions de l’est de la RDC : un sous-sol riche, une population pauvre, une exploitation minière dominée par l’informel et des groupes armés qui prospèrent grâce à l’or.
À Luhihi, l’équation est dramatique : les creuseurs cherchent à survivre, mais se retrouvent piégés entre effondrements meurtriers, épidémies et violences rebelles. Sans intervention coordonnée de l’État, de la société civile et des acteurs humanitaires, le cycle risque de se répéter, avec des conséquences toujours plus lourdes pour les vies humaines et l’environnement.


Selon vous, quelle serait la meilleure solution strategique qui preserve les vies humaines dans ce site miniers??

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Des enfants qui travaillent dans le site minier de lomera

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« À qui profite l’or de Lomera ? Entre rumeurs, accords et colère populaire?<br>Kabare, Sud-Kivu – Depuis plusieurs semaines, des rumeurs enflamment les villages du groupement de Luhihi, territoire de Kabare. Selon des témoignages recueillis sur place, un accord secret aurait été conclu entre un groupe d’investisseurs chinois et les rebelles de l’Alliance  Fleuve Congo (AFC/M23) pour l’exploitation industrielle du site aurifère de Lomera.<br>Si les contours de ce prétendu partenariat restent flous, les communautés locales craignent déjà ses conséquences : une marginalisation accrue des creuseurs artisanaux, qui vivent depuis des mois de l’extraction manuelle de l’or dans cette zone riche en minerais.<br>Violences du 26 août et fermeture du site<br>Les tensions se sont aggravées le 25 août dernier, lorsque de violents affrontements ont éclaté autour du site de Lomera. Plusieurs creuseurs artisanaux auraient été blessés alors qu’ils protestaient contre les restrictions imposées par les rebelles. Selon des sources locales, ces violences ont conduit à la fermeture temporaire du site minier. Le 08 Septembre 2025, la situation a pris une nouvelle tournure. Lors d’un meeting tenu à Lomera, le gouverneur militaire nommé par l’AFC/M23 a annoncé officiellement la fermeture du site, ordonnant l’expulsion de tous les civils présents dans un délai de 24 heures. Le motif avancé : procéder à un recensement de la population vivant dans la zone minière.<br>Pourtant, de nombreux habitants restent sceptiques. Selon des rumeurs persistantes, cette décision ne viserait qu’à dégager le terrain en vue de préparer une exploitation industrielle convenue avec un groupe chinois, au détriment des creuseurs artisanaux.<br>Les rumeurs d’un pacte controversé<br>Un rapport interne du Centre d’Études sur les Ressources Naturelles et les Conflits (CERNCO), basé à Bukavu, fait état de « discussions avancées » entre des représentants chinois et les responsables rebelles. L’accord porterait sur la mécanisation rapide du site afin de maximiser la production aurifère, ce qui réduirait drastiquement l’usage de la main-d’œuvre locale.<br>« Des machines lourdes auraient déjà été aperçues dans la région de Kalehe, en transit vers Lomera », affirme Dieudonné Gisoro, chercheur au CERNCO.<br>Le silence des autorités<br>Interrogé, le ministère provincial des Mines du Sud-Kivu se montre prudent :<br>« Aucune autorisation officielle n’a été délivrée à une quelconque société étrangère pour une exploitation industrielle à Lomera », déclare sous anonymat un cadre du ministère.<br>Mais dans les faits, le contrôle effectif appartient davantage aux rebelles qu’à l’État. L’AFC/M23 impose déjà des taxes aux creuseurs et supervise l’acheminement de l’or vers les circuits parallèles.<br>Les communautés locales en colère<br>La perspective d’une expulsion imminente révolte les populations riveraines.<br>« Si cet accord est vrai, il viole non seulement notre droit coutumier sur les terres, mais aussi la dignité de milliers de jeunes qui n’ont pour survie que l’exploitation artisanale », dénonce Marie-Bernadette Nyota, présidente de l’Association des Femmes Exploitantes Artisanales du Kivu (AFEAKI).<br>Un creuseur de Luhihi rencontré hier, qui a requis l’anonymat, s’indigne :<br>« On nous chasse comme des animaux. Mais c’est nous qui connaissons cette terre, pas les étrangers ni les rebelles. »<br>Vers un nouveau cycle de conflits ?<br>Des analystes redoutent que la combinaison de la fermeture brutale du site et d’un éventuel accord avec des investisseurs étrangers ne déclenche un nouveau cycle de violences.<br>« Les minerais du Kivu sont depuis longtemps une malédiction pour les populations locales. Si les rebelles confirment ce partenariat avec des intérêts étrangers, cela risque d’alimenter un conflit social encore plus profond », alerte Jean-Claude Mugisho, de l’Observatoire pour la Gouvernance Minière (OGM).<br>Alors que les habitants de Lomera sont sommés de quitter les lieux en moins de 24 heures, l’avenir du site aurifère reste suspendu entre incertitudes, rumeurs et luttes d’intérêts.

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