RDC-M23 : Prolongation de la Trêve Humanitaire Suscite Débats au sein de la Société Civile du Nord-Kivu
Trêve Humanitaire au Congo : Un Bilan Mitigé et des Inquiétudes Croissantes
La trêve humanitaire décrétée il y a quatorze jours en République Démocratique du Congo n’a jusqu’à présent pas produit les résultats escomptés, selon les témoignages des populations déplacées et des organisations civiles sur le terrain. Les attentes étaient grandes : permettre aux organisations humanitaires d’accéder aux zones de conflit pour fournir une assistance vitale. Cependant, la réalité semble bien éloignée de cet objectif.
Flory Musanganya, président de la société civile de Bweremana, a exprimé sa profonde déception et son inquiétude face à la situation actuelle. « Depuis que la trêve humanitaire a été décrétée, nous n’avons rien vu. Aucune aide tangible n’a été apportée aux populations déplacées. À Masisi, par exemple, nous n’avons même pas reçu une cuillère de haricots en termes d’assistance humanitaire, » a-t-il déclaré. Les attentes étaient que cette trêve faciliterait l’ouverture de couloirs humanitaires, notamment sur l’axe Sake-Bweremana-Minova, pour permettre aux humanitaires de distribuer l’aide nécessaire aux sites de déplacés. Pourtant, aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre.
Pire encore, au lieu d’apporter un soulagement, la période de trêve a été marquée par une intensification des combats. « Nous avons été surpris par des bombardements et des attaques du M23 contre les positions des FARDC et des Wazalendo, » a ajouté Musanganya. Cette situation a conduit à une lecture pessimiste de la trêve, perçue comme une opportunité pour les rebelles de se renforcer plutôt que comme une véritable mesure humanitaire. « C’est une mesure qui n’arrange pas la population, mais seulement le gouvernement et les États-Unis, » a-t-il conclu.
Nguka Patrick, coordinateur de l’ONG Badilika œuvrant à Rutshuru mais actuellement en déplacement à Goma, a également déploré les conséquences de cette trêve. « Il faut déplorer le fait que pendant cette trêve humanitaire, nous avons constaté que du côté du M23/RDF, ils ont beaucoup plus renforcé leurs rangs. Il y a eu des camions remplis de militaires et des munitions qui ont traversé dans le Rutshuru et dans le Nyiragongo pour aller renforcer le M23. Mais aussi, nous avons constaté qu’il y a eu des affrontements au niveau de Bweremana et d’autres à Lubero, » a-t-il rapporté. Cette situation a montré que la trêve humanitaire n’a rien donné de positif, comme on s’y attendait.
En parallèle, sur le plan humanitaire, les résultats sont tout aussi décevants. « Nous n’avons pas vu les déplacés en train d’être assistés. Plusieurs familles ont perdu les leurs suite à la famine, au non-accès aux soins de santé, à l’eau potable et à plusieurs autres difficultés que les organisations humanitaires n’arrivent pas à résoudre, » a souligné Nguka Patrick. Pour lui, le gouvernement congolais ne doit pas se laisser emporter par les décisions du gouvernement américain mais plutôt se concentrer sur la vraie problématique et envisager la vraie solution à cette crise.
Les populations locales expriment une frustration croissante face à ce qu’elles considèrent comme une manipulation. « Ils doivent rentrer d’où ils sont venus. On nous trompe en disant qu’on veut assister les déplacés, mais c’est le temps pour bombarder cette même population. C’est une contradiction flagrante, » s’indigne Musanganya. La société civile de Bweremana rejette catégoriquement le prolongement de la trêve pour 15 jours supplémentaires, affirmant qu’il n’est pas acceptable de continuer à mourir sous prétexte d’une trêve humanitaire qui ne profite pas à ceux qui en ont besoin.
Pour ces populations, une trêve n’a de sens que si elle est accompagnée de sanctions strictes contre ceux qui la violent. « Nous ne voyons pas de différence avec les décisions précédentes. Les rebelles ne respectent pas la trêve, ce qui la rend inutile, » souligne un autre membre de la société civile. La ville de Goma, en particulier, a été le théâtre de violences continues, incluant des assassinats ciblés et des tirs incessants, augmentant le traumatisme de la population et des déplacés internes.
En conclusion, cette trêve, qui se voulait être une période de répit et de soutien humanitaire, s’est avérée être une période de souffrance continue et d’inaction pour les populations déplacées. La demande est claire : une trêve efficace nécessite non seulement des promesses, mais des actions concrètes et des sanctions contre les violations, afin de réellement améliorer les conditions de vie des civils pris au piège dans ce conflit.